Isabelle Vernet, nouvelle responsable des 15 – 25 ans, soutient leurs actions concrètes de solidarité.
Engagée il y a neuf ans comme aumônière à l’Ecole hôtelière de Lausanne (EHL), Isabelle Vernet était bien déjà armée pour répondre aux attentes de jeunes affamés de vie spirituelle et d’engagement communautaire. Théologienne française formée chez les jésuites de Londres après de brillantes études de littérature à la Sorbonne, elle nous raconte comment elle projette son action vers des jeunes en quête de sens.
Devenir théologienne catholique à Londres, la « Rome » de l’Eglise anglicane, c’est détonnant ? Votre ami intime était Londonien ?
Ouiii (éclats de rire). J’ai rejoint mon mari avec mes trois enfants de 11, 7 et 3 ans. Quelques années plus tard, à 40 ans, j’ai suivi des études de théologie chez les jésuites de Londres et y ait obtenu un master en spiritualité chrétienne. Marc a ensuite été envoyé à Rolle par son employeur. Je l’ai suivi avec joie, toujours très amoureuse de mon mari. Nous nous écoutons l’un l’autre lors de nos marches en forêt. C’est super stimulant pour comprendre nos difficultés. En les exprimant à quelqu’un qui nous écoute, on découvre soudainement le bon chemin pour les résoudre.
Vos prédécesseurs au poste de responsable de la jeunesse catholique avaient la trentaine. A 56 ans, ne risque-t-on pas de vous prendre d’abord pour une maman, voire une grand-maman consolatrice de jeunes confrontés aux déboires de leur vie de jeunes ?
Je ne crois pas (sourire). Je reste jeune, en lien avec mes petits-enfants. Et mon expérience à l’EHL – 3200 étudiants de 18 à 23 ans de 114 nationalités – m’a familiarisé avec le questionnement des étudiants, non-croyants dans leur grande majorité. Ils attendaient d’être écoutés. Un jeune Chinois est venu vers moi avec des paroles sans détours : Si je suis mortel, pourquoi vivre ? Une Italienne m’a demandé Who is God ? (Qui est Dieu ?) Pas d’échappatoire. Je devais répondre tout de suite, sans faux fuyant et là, plus que les études, avoir réfléchi à ma propre foi m’a beaucoup aidé. Leur questionnement était profondément spirituel : Qu’est ce que je fais de ma vie ? Des dialogues géniaux se sont établis avec eux.
N’est-ce pas un défi autrement difficile d’accompagner des jeunes catholiques en août prochain aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), rassemblement mondial autour du pape François ? En France, le quotidien La Croix révélait il y a quelques jours les résultats surprenants d’un sondage auprès des 30’000 cathos partant à Lisbonne. Ces jeunes disent privilégier plutôt la prière personnelle qu’un engagement chrétien de vie solidaire.
Nommée en début d’année, je me suis associée aux préparatifs de mes collègues pour aller aux JMJ du 1er au 6 août. Et depuis quelques semaines, parallèlement à nos initiatives de solidarité dans le Canton et des camps au Kenya et au Congo, nous mettons au point l’action JMJ solidaires avec les 400 – 500 Romands se rendant à Lisbonne. Nous emmènerons un groupe de jeunes autistes et financerons le voyage de quelques désargentés sans ressources. La jeunesse est spontanément solidaire de l’autre en difficulté. Elle ne trie pas selon l’origines sociale ou ethnique des copains-copines, car elle a besoin de tous pour être heureux et se sentir bien.
Et au retour de Lisbonne, les jeunes retrouveront-ils le feu qui les aura étreint pendant quelques jours ?
Nous y veillons au quotidien, avec les aumôniers de gymnases, d’écoles professionnelles, de l’Université et de l’EPFL, en lien avec les animateurs de rue. Des actions de solidarité sont organisées auprès des jeunes de la rue, spécialement en fin d’année, pendant ce temps de Noël où l’on ne peut se permettre d’être centrés sur soi-même.
En bons professionnels de l’action solidaire, laissez vous surprendre par leurs propres projets ?
Nous entendons leurs propositions cinq sur cinq. Des jeunes que nous accompagnons rêvent d’animer par eux-mêmes une paroisse urbaine, avec des prêtres et des salariés de l’Église. Pour être au service de jeunes, dans un esprit de fraternité.
Vous venez d’un milieu privilégié, votre mari a une situation très confortable dans l’entreprise INEOS. Quel déclic qui vous a entrainé vers des actions de solidarité ?
Je m’inspire des paroles du pape. Il nous a reçu trois quarts d’heure, le 7 octobre dernier, nous, dix aumôniers catholiques et réformés. C’était pour les 20 ans de notre organisation œcuménique au service de la Jeunesse vaudoise. Le pape, plus que les résultats, compte sur notre présence, notre accompagnement. Il a été très clair : Faites attention à la rigidité de votre action, qui est une incapacité de sortir de vous-même, de vos idées préconçues. Le Christ nous invite à nous laisser nous déplacer, spirituellement.