Enseigner le latin et le grec atil encore du sens dans notre monde moderne ? Les directions vaudoise et genevoise de l’enseignement en sont convaincues
Il y a quelques années, c’était entendu : suivre des cours de latin et de grec est ringard et élitiste. On en est moins sûr aujourd’hui. Les pédagogues et linguistes ont su persuader les autorités scolaires que l’enseignement de ces deux langues anciennes, et notamment le grec et le latin, contribue à une meilleure compréhension de la langue française et à l’ouverture sur le monde.
Utile aux milieux défavorisés
Cet apprentissage contribue à l’apprentissage du français, disent unanimement leurs enseignants. Et maîtriser notre langue maternelle, c’est essentiel, avant les maths, avant l’anglais, avant toutes les autres matières, parce qu’elle peut faciliter leur maîtrise. Une enquête récente en France montre d’ailleurs que les jeunes issus des milieux défavorisés sont les premiers bénéficiaires de l’étude des langues anciennes, bien avant les enfants de milieux aisés.
Plus encore, l’étude du latin et du grec, des « humanités », comme on dit, est une formidable leçon sur la culture, les arts plastiques, la littérature, le sens de la mesure, le droit, la vie en société… et au final, la démocratie. Bref, tout ce qui fait l’homme.
Latin et grec aux moins de 16 ans
Professeur de latin et de grec dans la voie prégymnasiale des classes de 9ème, 10ème et 11ème au collège de Préverenges (VD), Albin Jaques en est convaincu : « J’enseigne à de petites classes de six à dix élèves, intéressés par les mythologies antiques qu’ils ont découvertes à la lecture des romans d’Harry Potter. » L’enseignant vaudois, passionné de linguistique et d’histoire, s’efforce de leur apporter le goût de la culture latine à travers des textes traduits. « Je leur enseigne la structure grammaticale de la langue, la culture et histoire romaine à l’origine de notre civilisation occidentale. De leur côté, ils produisent des exposés, traduisent des textes, font de l’analyse grammaticale, apprennent du vocabulaire. »
Et le grec ? C’est un cours facultatif offert aux élèves de voie prégymnasiale qui souhaitent être initiés à cette langue et être sensibilisés à sa culture. Albin Jacques leur enseigne, l’alphabet, l’histoire et les mythologies grecques sous l’angle contemporain des Jeux olympiques, de la vie politique démocratique, du théâtre.
Genevois plus branchés
Les Genevois en scolarité obligatoire sont bien plus nombreux à suivre des cours de latin que les jeunes Vaudois. En 9e, c’est obligatoire à Genève et, les deux années suivantes, 14% d’entre eux poursuivent encore sur cette voie. Les élèves vaudois du même âge sont moins nombreux à étudier le la- tin, environ 5% du cycle secondaire obligatoire.
Les étudiants genevois se préparant à la maturité fédérale sont aussi trois fois plus nombreux que les gymnasiens vaudois à étudier le latin et parfois le grec, soit plus de 6% face aux 2,2% du canton voisin.
Les directeurs vaudois et genevois ne peuvent expliquer de façon définitive cette différence. L’obligation générale de suivre le latin en 9ème à Genève et la plus forte densité, dans le canton très urbanisée du Bout du Lac, d’établissements secondaires offrant du latin et du grec, sont des hypothèses à vérifier.
Structurer l’esprit de méthode
Le Genevois Gilles Szynalski, du collège Candolle, explique les raisons diverses de ses élèves pour étudier latin et grec. « Ils choisissent ces langues anciennes pour les mythologies, l’histoire, les textes philosophiques, théâtraux ou de poésie. » Il raconte avec plaisir, comment il s’y prend pour enseigner latin et grec à ses élèves du cycle secondaire supérieur. « La pédagogie a grandement évolué depuis des années. L’approche est aujourd’hui globale. Je donne aussi des notes à la qualité de la traduction française, au-delà du mot à mot. » Et l’enseignant peut compter sur des outils modernes d’enseignement, par exemple un « beamer » pour projeter des images et des séquences vidéo historiques, des textes à traduire qu’il peut annoter de ses commentaires explicatifs.
Sa directrice, Sandrine Conza-Rossier, croit en ces langues soi-disant mortes, qui demandent un effort, persuadée qu’elles structurent l’esprit de méthode, la rigueur d’analyse et contribuent à la maîtrise du français.