Les cantonniers ont quelques jours d’avance sur leurs confrères valdotains pour ouvrir officiellement la route le 5 juin.
Le quatuor chargé d’ouvrir la route par le service valaisan de la mobilité est arrivé au but vendredi dernier. La route du col est déneigée jusqu’à l’hospice du Grand-Saint-Bernard. Il reste encore près d’un kilomètre jusqu’à la douane et des travaux de finition.
A table à l’Hospice
Ce mardi, les quatre pilotes chargés d’ouvrir la route sont à la table de l’Hospice pour un copieux dîner – soupe de légumes, émincé de bœuf, polenta, choux rouges et tarte. « Nous sommes accueillis chaleureusement ici, » nous confie Frédéric Moulin, responsable du Service valaisan de la mobilité pour le haut de la vallée de l’Entremont.
« C’est agréable de travailler sur cette route internationale. Le site est magnifique et ce n’est pas banal d’arriver au col, d’y être accueilli par les gens de l’Hospice. L’équipe qui vit toute l’année là-haut, isolés sept mois durant à 2473 mètres, respire la joie et nous la communique. On s’aime bien et on se rend des services mutuels », explique le jeune ingénieur.
En moins de deux semaines
Une dameuse et deux fraiseuses valaisannes ont dompté la route en moins de deux semaines. Les cantonniers chargés de piloter ces engins sont vite arrivés au sommet du col, car cette année, la neige était excellente pour avancer. Et la masse accumulée cet hiver – près de 15 mètres au sommet du col – n’a pas dépassé la moyenne de ces dernières années.
« Le foehn a rarement autant soufflé que cet hiver sur la région. Il a favorisé la fusion des différentes couches de neige, les flocons fondus se liant facilement les uns aux autres. Les couches superposées étaient homogènes et bien agglomérées ; et des strates de glace ont permis de garder une neige froide et bien tassée jusqu’au goudron, ce qui a étonné notre guide observateur. C’était idéal pour les fraiseuses », explique Frédéric Moulin.
Des murs glacés de sept mètres
Les cantonniers, des hommes de la vallée, ont ainsi pu manier aisément leurs machines de dix tonnes. Ils n’avaient pas trop à craindre, ce printemps, de les voir s’affaisser de l’un ou l’autre côté. Joël Darbellay, le plus expérimenté – il manie la fraiseuse au mois de mai depuis dix ans sur la route du col – avance en tête. Il attaque la masse neigeuse en fraisant par couches épaisses de 60 – 80 cm avec des aller-retours sur quelques dizaines de mètres. Et la souffleuse aspire la neige pour la projeter de chaque côté de la route. Moins expérimentés, ses deux collègues, Narcisse Darbellay et Serge Bourgeois, se relaient dans la deuxième machine pour achever le travail et consolider, par endroits, côté montagne, des murs glacés de six à sept mètres.
Cette opération de déneigement exige une soigneuse préparation. Frédéric Moulin est d’abord monté à skis avec le guide-observateur Eric Berclaz. Ils ont étudié l’état de la neige, les dangers potentiels de déneiger avec les machines. Et c’est alors que la dameuse de Claude Lathion, patron de l’hôtel Bivouac Napoléon à Bourg-Saint-Pierre, est montée jusqu’à l’Hospice par la seule option possible : le cheminement des skieurs à peau de phoque. Et il a emmené des géomètres avec lui. Au sommet du col, ces derniers ont commencé à chercher la route dans la masse neigeuse grâce à leur repères GPS. Ils ont piqueté le tracé, 6,3 km du sommet du col jusqu’à l’entrée du tunnel. Les fraiseuses pouvaient alors intervenir.
Un guide chaque jour sur le chantier
Le guide observateur du Grand-Saint-Bernard vient surveiller chaque jour l’état de la neige ; surtout à partir de midi pour faire stopper le travail s’il perçoit un danger de coulées ou qu’un mur glacé menace de s’écrouler. Il faut particulièrement veiller à la neige collée contre les rochers. Elle décroche quand la roche est chauffée par le soleil de mai.
Les automobilistes du début juin peuvent être rassurés. Les murs de neige sont arasés, coupés, sur le haut avec une machine spéciale, la « Rétro », qui arrondit la matière. Et les cantonniers veillent que des obstacles – roche, neige, branchages – ne viennent obstruer la chaussée.