Ambassadeur déjanté d’une gastronomie basque sophistiquée à Bidart et Biarritz, Anthony Orjollet, 37 ans, accueille les fans d’une cuisine bistronomique et inventive. Sa recette : des produits bio d’excellence. Et pour offrir des plats sophistiqués à prix abordables, il simplifie service et décor.
D’origine lyonnaise, le jeune chef au parcours international prestigieux nous a d’abord accueillis à midi dans son restaurant installé à Bidart sur la route nationale entre Bayonne et St Jean de Luz. D’allure modeste, Éléments est coincé entre un opticien et un salon de coiffure d’une petite zone commerciale. On ne penserait pas être attablés à la « table de l’année », comme l’a baptisé le guide alternatif Fooding 2018, appréciation confirmée par Michelin et les critiques gastro.
A table, sur fond de musique pop, un jeune cuisinier nous apporte des plats artistiquement disposés : ceviche de bonite au maïs grand roux concassé au moulin à café comme un boulgour, carottes fumées et noix de cajou fermentées. C’est l’entrée du menu de midi, 27 euros. On peut aussi se contenter d’un plat unique à 15 euros : charcuterie de thon, tarte aux anchois fumés, pressé de poulpe avec crème au raifort, avec peut-être des piments fermentés sortis de bocaux que l’on voit sur des étagères en salle.
Le sommelier-chef nous a apporté un vin naturel extra. Le choix était simplissime : rouge ou blanc ? Et il nous a ouvert un nectar blanc du Vercors, près de Grenoble. Nous enchaînons avec un plat de chinchard, ce poisson méconnu de la famille des maquereaux, en moins gras.
Tapas pour internationaux de rugby
A côté de nous, une paisible bande de quatre quadras aux biscottos impressionnants, copains comme cochons, se servent délicatement entre diverses assiettes qu’ils se partagent comme des tapas. « Ce sont d’anciens internationaux de rugby du Pays basque », nous glisse le préposé aux desserts, sexagénaire souriant. « J’adore venir travailler ici. Anton m’a aménagé un horaire spécial car je suis officiellement retraité. »
Anton, pour Anthony Orjollet, a bourlingué chez de grands chefs entre Bali, Nouvelle-Zélande, Espagne, avant de se lancer en Norvège. De très bonnes tables qui l’on inspiré pour ouvrir son premier restaurant. Une bande de jeunes femmes sont attablées au bar, faute de place en salle. Et derrière, c’est cuisine ouverte. Le chef se raconte tout en massant une ventrèche de thon rouge, cette partie noble du poisson, la partie la plus tendre. « La bête vient d’un pêcheur de St Jean de Luz. Elle a été tuée délicatement, selon une méthode japonaise ancestrale, l’ikejime, l’injonction d’une aiguille dans le cerveau. » Pas de sang dans la chair, et une maturation idéale pour un grand chef.
Anton se raconte simplement. En soirée, il sert un menu de haute gastronomie pour moins de 60 euros, préparé avec les produits de d’exception de son réseau d’une soixantaine de maraîchers et éleveurs bio. Pourquoi en Pays basque ? « C’est la seule région de France dont la Chambre d’agriculture est indépendante des lobbys agricoles. « Et puis le climat est ici idéal pour le maraichage, les espèces bovines exceptionnelles dans les verts pâturages des Pyrénées, les pêcheurs dévoués à me dénicher des espèces rares ou méconnues dans un océan encore plein de ressources. » Bref, Anton offre bien davantage que de la branchitude bistronomique. Le produit plutôt que le cadre, la vaisselle et le service.
Bistronomie suisse plus sage
Qu’en est-il chez nous ? Knut Schwander, responsable du guide Gault & Millau de Suisse romande, cite quatre tables dont l’esprit, et les prix, classent leur cuisine sur le même créneau, celui de la bistronomie sans épate. « Je pense d’abord à Didier de Courten à Sierre et Carlo Crisci à Cossonay, deux chefs réputés qui ont choisi de se centrer sur une cuisine plus décontractée, moins luxueuse. » Et dans la jeune génération ? « Jacques Allison à Lausanne et l’auberge Le rendez-vous à Aumont dans la Broye fribourgeoise se distinguent dans la même catégorie. Tous les quatre proposent des menus exceptionnels à moins de 100 francs. »
Revenons à Anthony Orjollet. Comment a‑t-il rendu possible d’offrir l’excellence à des prix imbattables ? Au-delà de simplifier accueil, service et décor, il a utilisé sa nouvelle réputation pour ouvrir Epoq, il y a trois ans au centre de Biarritz, plus ludique et tendance. A ce bistrot-loft de 300 m² sous verrière géante est accolé une épicerie de produits « nature ». Et un club de nuit promet de belles fins de soirée. « Ce volume d’activités permet de rationaliser les achats auprès de mes fournisseurs. »
« Plus coach que patron »
Après l’heure d’explications, le chef nous invite à voir comment s’affairent cuisinières et cuisiniers. Ils lèvent la tête et me sourient. « Oui, c’est intense, le travail ici. Si la pression baisse, on se demande si on n’a pas oublié quelque chose », raconte Thomas, 24 ans. « J’ai plaisir d’être ici ; ça n’a rien à voir avec les restos où je suis passé. » Et voilà l’heure d’ouvrir. Anton rassemble son équipe. Questions et mises au point. Une belle entente règne. Et les premiers clients arrivent. Les assiettes s’alignent sous les yeux d’Anton qui veille et y met son grain de sel.
C’est donc possible de créer une belle expérience humaine en restauration. La recette d’Anton ? « L’héritage culinaire familial, des valeurs de bon sens, le goût des bons produits, la curiosité et le plaisir de créer pour tous les milieux sociaux et classes d’âge. En équipe. Avec elle, je suis plus un coach qu’un patron. »
Pays basque en fête à Bayonne
Les 90ème Fêtes de Bayonne auront lieu cette année du 27 au 31 juillet. Un million de visiteurs s’affichent jour et nuit en chemise et pantalon blanc, foulard et ceinture rouges, comme à Pampelune. Ils goûtent l’esprit et l’énergie basque, où se vivent danses folklo, musiques et gastro locales, animations diverses, symboles de la convivialité et du bien vivre basque.
Sont encore organisées des courses de vaches, une compétition de pirogues sur la Nive, un championnat de pelote basque. Bals, journée dédiée aux enfants et feu d’artifice.