Les entreprises implantées en Suisse peuvent bénéficier depuis le 1er janvier d’une imposition réduite sur leurs bénéfices après investissements en Recherche et Développement (R&D). Une possibilité offerte par les cantons pour les inventions brevetées.
Trois avocats genevois de l’étude Meyerlustenberger Lachenal (MLL) nous en ont expliqué l’intérêt.
Les milieux de la construction et l’immobilier imaginent difficilement pouvoir breveter des processus de fabrication. On pense que cela concerne d’abord les entreprises de la chimie, de l’électro-mécanique et de l’horlogerie. « De manière générale, les ponts suspendus et à haubans ont donné lieu à de nombreuses inscriptions de brevets au cours du siècle passé », nous a révélé l’avocat fiscaliste Me Philippe Mantel. Aujourd’hui, même de petites entreprises inventent de nouveaux concepts de construction et parfois les brevètent. « Il y a là un potentiel d’optimisation fiscale », nous a‑t-il assuré.
Taxation réduite grâce aux brevets
Il est en effet possible, depuis le 1er janvier 2020, d’obtenir une taxation fiscale réduite grâce au nouveau régime fiscal RIE3, RFFA, approuvé le 19 mai dernier en votation populaire. L’un de ces dispositifs, la Patent Box – littéralement « boîte à brevets », reprend désormais le processus européen de taxation allégée sur les revenus obtenus grâce à des brevets d’entreprise. Pour en bénéficier, l’entreprise devra démontrer par exemple à son taxateur qu’elle a dégagé des résultats financiers en utilisant de nouvelles machines ou méthodes de construction originales et brevetées.
Collègue de Me Philippe Mantel, Me Philippe Prost, avocat spécialisé en droit de la construction et de l’immobilier chez MLL, donne un exemple actuel et concret d’avantages de la Patent Box : « Je connais un jeune entrepreneur français établi en Suisse ; il a mis au point un software qui extrait des données de registres fonciers cantonaux permettant de repérer des terrains encore constructibles en Suisse. » L’avocat l’encourage à chercher à obtenir la reconnaissance juridique de cet outil informatique auprès de l’État cantonal. « S’il lui est profitable, il aura droit à un avantage fiscal. »
Nouveautés fiscalement profitables
Pour Me Guillaume Fournier, son confrère de l’étude MLL et président de l’Association romande de propriété intellectuelle (AROPI), il est temps que les milieux immobiliers et de la construction explorent ces nouvelles mesures fiscales. « Ils ne savent pas encore très bien comment leurs innovations brevetées peuvent en bénéficier. En consultant le registre suisse des brevets, j’ai constaté un grand nombre de méthodes de construction originales déposées par des petites PME. Elles pourraient obtenir des réductions d’impôts sur leurs bénéfices. Je pense à une PME fribourgeoise ayant mis au point un nouveau procédé de montages rapide et ingénieux de volets reliés à des cadres de fenêtres. »
Et l’avenir peut se dessiner en rose pour les milieux immobiliers, ose prédire Philippe Prost. « Les soucis écologiques ont amené les panneaux solaires sur les toits. Ces nouvelles sources d’énergie sont appelées à être de plus en plus efficientes, avec de nouveaux modes de production et d’installation sur les toits. » Les processus de chauffage, d’isolation, de construction des bâtiments évoluent constamment. Des techniques nouvelles sont mises au point pour assainir plus efficacement les bâtiments conçus dans les années 60 avec de l’amiante. Sans parler des innovations esthétiques et des nouveaux matériaux mis au point qui vont encore renforcer l’efficacité énergétique.
Pour les avocats de MLL, Me Philippe Mantel, Me Philippe Prost et Me Guillaume Fournier, les patrons de l’immobilier sont appelés à déceler, avec leurs fiscalistes, comment bénéficier des avantages de la Patent Box. « Ils doivent être offensifs auprès des administrations fiscales cantonales, encore dans le flou pour appliquer les nouveaux dispositifs fiscaux en vigueur depuis le début de l’année. »
L’avis nuancé d’un patron de start-up
Un entrepreneur vaudois actif dans la production de systèmes d’énergies renouvelables donne un avis nuancé sur les possibles bienfaits du nouveau dispositif d’allègement fiscal. Dans le prolongement de la Patent Box, la possibilité d’une réduction du résultat net imposable sur les dépenses en R&D lui semble très positive.
« Pour une start-up comme la nôtre, sur le point de déposer plusieurs brevets dont une bonne partie des bénéfices futurs pourraient dépendre, l’impact du Patent Box est potentiellement beaucoup plus intéressant que pour une entreprise déjà bien établie et de plus grosse taille. »
Mais l’entrepreneur, par ailleurs économiste HEC, sait bien que cela prendra du temps avant que sa start-up ne réalise des bénéfices. « Le fait de pouvoir reporter les pertes durant sept ans permet en outre déjà à une jeune entreprise de minimiser son assiette fiscale. » Enfin, il relève que devoir négocier avec le taxateur est beaucoup plus difficile pour une start-up, moins outillée juridiquement, que pour une entreprise établie.
Autres sources : Le Temps