L’invité – Jean-Brice Willemin, porte-parole de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud, zoome sur la face profonde du président français.
Emmanuel Macron inspire de la défiance dans les milieux catholiques de France. C’est d’abord la droite identitaire hostile au mariage pour tous et à la procréation médicament assistée (PMA) pour tous les couples. Elle représente les deux tiers des catholiques pratiquants ou proches de l’Eglise. Beaucoup d’entre eux supportent mal que le président français considère les petits-enfants de son épouse comme les siens !
C’est aussi le courant chrétien social solidaire des personnes fragiles qui est inquiet par son programme économique d’essence libérale. Cet ancien banquier de chez Rothschild ne leur apparaît pas assez social et solidaire.
Bref, comme en politique, être au centre en religion, entre les progressistes et la droite identitaire catholique, c’est suspect pour une majorité de chrétiens.
Pourtant, jusqu’à présent, Emmanuel Macron est apparu plus proche des chrétiens sociaux que des catholiques conservateurs. Lorsqu’il visitait un centre d’hébergement parisien du Secours catholique – Caritas en Suisse – il a confié qu’être chrétien, c’est défendre les droits des plus pauvres, et non pas se battre pour retirer des droits à des hommes et des femmes homosexuels.
Et la hiérarchie de l’Eglise ? Elle aussi, ne cache pas sa méfiance. Une grande majorité des évêques français n’ont pas donné de mot d’ordre contre le Front national. Le pape François est lui aussi resté neutre, relate l’hebdomadaire catholique La Vie. Du favori, il a dit « je ne sais pas d’où il vient » ; et de sa rivale ? Il l’a situé en représentante de « la droite forte ».
Cette distance du pape envers Macron étonne les sociologues de la cathosphère française. Le président français n’a jamais renié sa foi, lui qui a été baptisé catholique à l’âge de 12 ans de sa propre initiative. Et comme le pape, il a été formé à la discipline jésuite. De celle-ci, il a puisé une spiritualité qui valorise une relation à Dieu plus intérieure qu’institutionnelle.
Leur parenté spirituelle, leur agilité intellectuelle et leur souplesse dans l’action les amènent à agir de façon semblable. Ils associent des idées antagonistes pour assurer une meilleure dignité humaine. Le pape François encourage l’accueil des réfugiés tout en invitant les chefs d’Etat à la prudence dans leurs politiques migratoires. Emmanuel Macron veut en même temps promouvoir une liberté économique et assurer une solidarité avec les plus fragiles.
Cette volonté de faire dialoguer deux aspirations contraires au premier abord, Emmanuel Macron s’y est familiarisé au contact du philosophe protestant Paul Ricoeur, dont il a été l’assistant. Ce mode de pensée macronien a déjà désarçonné les élites politiques, les milieux patronaux et syndicaux. Aux catholiques de France aujourd’hui de vite remonter en selle pour veiller à une France qui redevienne vraiment la patrie de la liberté, de l’égalité, de la fraternité.