Élu il y a un an, le député français Joachim Son-Forget est toujours médecin au CHUV. Il raconte son grand écart entre Paris et Lausanne. « J’aime le consensus helvétique », lâche-t-il.
Le parti En Marche ! du président Emmanuel Macron a gagné haut la main les élections françaises du 18 juin 2017. Un de ses amis, le radiologue Joachim Son-Forget, a été élu par les résidents français établis en Suisse. Un an après, le Vaudois de cœur se révèle être autant à l’aise dans le milieu politique parisien qu’auprès des soignants lausannois, comme il nous le raconte dans une discussion à bâtons rompus à la cafétéria du Centre hospitalier et universitaire vaudois (CHUV).
Comment avez-vous connu Emmanuel Macron ?
Je me suis inscrit au lancement de son parti en avril 2016, avant qu’il ne se déclare candidat à la présidentielle. J’ai vite été intégré dans un de ses groupes de travail ; un travail d’équipe au cours de laquelle j’ai fait sa connaissance. Je n’aurais pas la prétention de me dire de son premier cercle d’intimes mais on se parle régulièrement, dans une relation de partenaires et pas de courtisanerie.
Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer en politique ?
J’ai flirté avec le parti socialiste dans ma jeunesse, en France et en Suisse. Aujourd’hui, je me sens à l’aise dans le parti d’Emmanuel Macron, attaché plus que tout à la responsabilité individuelle.
Dans quel domaine êtes-vous actif comme député ?
La politique étrangère ! Elle me passionne depuis l’enfance, avec la chute du mur de Berlin en 1989. Votre question me rappelle un vieux souvenir enfoui en moi. J’avais 6 ans quand j’ai commencé à prendre des notes dans un petit carnet sur les événements du monde. Et puis en 1999, dans le cadre d’un concert de piano que je jouais dans un village de Haute-Marne en faveur du Kosovo, j’ai connu le drame de ses habitants.
Vous connaissez bien le pays ?
Je l’ai vraiment découvert en Suisse romande, au cours de mes études de médecine et cela m’a amené à aller là-bas faire un stage de chirurgie. J’ai été épaté par la formidable énergie de nombreux jeunes. Ils m’ont donné envie de les aider. Lié aux milieux politiques et culturels du pays, je suis un peu leur ambassadeur. Ses dirigeants m’en sont reconnaissants. Je viens de recevoir la citoyenneté kosovare des mains de leur Président à l’occasion des dix ans de l’indépendance.
Comment agissez-vous aujourd’hui à l’Assemblée nationale ?
A la Commission des Affaires étrangères. C’est un travail en coulisses de diplomate sur d’autres régions du monde auxquelles je suis attaché, particulièrement la Syrie, la Corée, ainsi qu’en Afrique et en Amérique latine. Mes liens me donnent accès à des sources confidentielles dont je fais profiter d’autres acteurs français avec lesquels je travaille ; par exemple sur les bombardements chimiques en Syrie.
Je peux m’entretenir avec des hommes politiques sud-coréens, voire des diplomates nord-coréens.
Et la Corée dont vous êtes originaire ?
Je parle un peu coréen, moins bien que ma fille et ma femme. Je peux m’entretenir avec des hommes politiques sud-coréens qui ont confiance en moi, voire même des diplomates nord-coréens. Ces rencontres discrètes servent l’accord de paix qui est en train de se dessiner. La société civile est à la base de tout changement.
Ne vous dispersez-vous pas avec l’Afrique ?
C’est essentiel pour notre avenir européen. Si nous ne soutenons pas le développement économique de ces pays, une arrivée massive et incontrôlable de migrants en Europe est inéluctable.
Cet engagement international est bien loin des préoccupations de vos électeurs. Comment leur êtes-vous utile ?
Je ne suis pas un élu local. Je remplis un rôle de soutien de l’action du Président Macron : suivre et contrôler l’action du Gouvernement, et légiférer.
Concernant les relations franco-helvétiques, les Français de Suisse ne vous demandent-ils pas du soutien pour leurs propres affaires, comme c’est la tradition en France ?
La relation bilatérale entre nos deux pays fonctionne bien et c’est une activité permanente et de fond que je suis. Quant aux ressortissants français établis ici, je réponds quotidiennement à leurs soucis en jouant un rôle discret d’intermédiaire auprès des administrations.
Alice, votre attachée parlementaire, vous conseille sur ces sujets.
Oui, j’ai quatre attachés, deux à plein temps et deux à mi-temps, financés par l’Assemblée. Leur rôle est indispensable au bon fonctionnement de mon bureau parlementaire !
Et vous êtes payé combien ?
5600 euros net, plus 5000 euros mensuels dédiés aux frais liés au mandat. Je gagne moins qu’en étant médecin à 100%. Mais j’aime ça, cette mission de trait d’union entre le Président et les Français.
À l’Assemblée, on me fait remarquer mes pointes d’accent suisse.
Ce rôle public, cet engagement à 200%, est bien perçu au CHUV ?
Je ne crois pas avoir changé. J’ai apporté un peu d’impertinence française en venant travailler à Lausanne, tout en respectant les codes suisses de politesse. C’est ma marque de fabrique à l’Assemblée. On me fait remarquer mes pointes d’accent suisse, mes expressions helvétiques. Et on s’étonne, dans mon camp, que je puisse être un ami de Jean-Luc Mélenchon, ce député d’extrême gauche dont les idées politiques sont à l’extrême opposé des miennes. Mais nous nous accordons sur des causes telles que la sauvegarde des océans.
A l’Assemblée nationale, vous êtes au fond très Suisse.
J’aime le consensus helvétique, cette force tranquille, affable. J’aime ses politiciens polis qui s’écoutent avec leurs différences. Sans doute parce que j’ai naturellement acquis avec l’abandon et l’adoption la capacité de m’adapter aux milieux de vie qui m’accueillent.
Vous êtes parfois contrarié ?
Oui, par l’inaction de l’administration française dans le dossier de la biodiversité en mer. Je me bats plus contre ses blocages volontaires face à des soutiens privés que contre mes adversaires politiques.
Et qu’est-ce qui vous réjouit ?
Mon réseau très étendu de relations dans la société française et suisse ainsi que dans de nombreux pays du monde. J’apprends de tous.
Les cinq dates qui comptent pour le député
12.4.1983
Naissance à Séoul en Corée du Sud et adoption par une famille française.
1994 – 2008
Pratique du karaté.
Enseignement du kung-fu, taï-chi (2005 – 2007).
Diplôme de médecin à Dijon.
2015
Doctorat en sciences et médecine à l’EPLF et l’UNIL.
13.2.2017
Concert de clavecin au Victoria Hall à Genève.
2.6.2017
63,21 % des voix lors du premier tour des élections législatives françaises.