Diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg – En convalescence, l’évêque reprend peu à peu la main. Mais l’intérim confié à un quatuor administratif est discuté.
Rappelons les faits. Le 13 septembre dernier, au lendemain de la publication d’un rapport universitaire qui laisse deviner la gravité des abus perpétrés dans l’Eglise catholique en Suisse, Mgr Charles Morerod doit subir d’urgence une opération au cerveau alors qu’il sort du studio du TJ-soir à Genève. Cet évènement, dont les conséquences auraient pu être fatales à l’évêque, rend dès lors visible la faiblesse de la gestion pastorale du diocèse par temps de crise.
Pas de compétences pastorales dans le quatuor
Un quatuor administratif est en effet désigné pour prendre les décisions urgentes. La composition de cette équipe, deux managers, la chargée de communication et la représentante de l’évêque en charge des abus, semble improvisée. Préférant garder l’anonymat par crainte de mécontenter leur employeur, deux prêtres et des agents pastoraux vaudois s’interrogent sur ce choix. La compétence pastorale des personnes désignées, en particulier pour piloter la vie spirituelle des catholiques, les rendent dubitatifs.
Un abbé lausannois s’interroge ainsi sur la légitimité de ce quatuor. Un système ecclésial ne repose-t-il pas d’abord sur le pouvoir que donne l’ordination sacerdotale ? Et un agent pastoral en EMS se demande pourquoi un baptisé salarié, avec une autorité théologique et pastorale, n’est pas associé à cette structure administrative.
L’absence de pilote pastoral navre prêtres et laïcs vaudois
L’absence de prêtres et de théologiens chevronnés dans la structure de gouvernance, étonne un curé de paroisse du Grand Lausanne. En effet, le vicaire général qui assiste l’évêque s’est retiré de ses fonctions à la fin septembre, a annoncé le quatuor à la mi-septembre, à cause d’une enquête en cours, sans indiquer de raisons précises. Et l’évêque auxiliaire s’est vu confier temporairement le diocèse de Lugano à la suite de la démission de l’évêque titulaire. Soutenus par Charles Morerod, trois des quatre dirigeants rencontrés se sont montrés rassurants.
Laure-Christine Grandjean, en charge de la communication de l’Évêché depuis 2012, est aussi devenue chancelière ad intérim il y a 16 mois. « Cette dernière mission demande une formation théologique ainsi que des compétences pastorales et de droit canonique, qu’elle n’a pas, » fait valoir un agent salarié actif dans la formation. Un docteur romand en droit canon estime en effet très utile qu’un chancelier en ait des connaissances minimales.
Mise en cause sur ces lacunes, la collaboratrice directe de l‘évêque, les admet en souriant. « La fonction de chancelier ne requiert pas de compétences précises et varie d’un endroit à l’autre. Quand j’ai un problème de droit canon, je sollicite des experts ; et rien qu’à l’Evêché, nous avons quatre juristes. » Étonnée par ces critiques, Laure-Christine Grandjean assure n’avoir reçu aucun écho d’agents pastoraux vaudois sur son travail de chancelière et les invite à prendre contact avec elle.
Autre question d’une formatrice en catéchèse : « Le quatuor au pouvoir ne s’est ‑il contenté que de gestion administrative ? » Laure-Christine Grandjean l’assure : « La pastorale est du ressort des représentants cantonaux de l’évêque et aucune décision à l’impact pastoral n’est prise sans accord avec lui. Quant aux conseils épiscopaux du diocèse (Nominations, Prévention des abus sexuels, Couple et familles, Communication), ils ont continué à se réunir pour établir des pistes et des conseils pour l’évêque. »
Structure pyramidale mise en cause
L’évêché peut-il donc être piloté aujourd’hui sans co-pilotes formés en pastorale auprès des baptisés, que ce soit des prêtres ou des laïcs qualifiés ? La question pose le problème de la structure pyramidale de l’institution catholique. Le pape François en est conscient et tente de la rendre synodale, comme y travaille depuis quelques années le Vatican avec les évêques du monde entier.
Sur son terrain diocésain, Mgr Charles Morerod cherche à gouverner autrement. Il a mis en place, il y a deux ans, des structures participatives, en nommant cinq représentants cantonaux laïcs, dont trois femmes, pour prendre avec lui les décisions essentielles à la conduite du diocèse. « Une réforme inédite qui est suivie avec intérêt par des évêchés francophones », relève Laure-Christine Grandjean.
Un responsable pastoral nous confie craindre un affaiblissement de cette logique collégiale plutôt révolutionnaire en confiant au seul pouvoir administratif, même temporairement, la conduite du diocèse. « Et puis, comment l’évêque pourrait-il aujourd’hui mettre concrètement en route ses réformes et sa vision sur le terrain sans un ou deux responsables, prêtres ou théologiens laïcs, proches de lui à Fribourg et engagés à fond dans cette mission ? »
« Je n’étais plus évêque pendant deux jours »

Mgr Charles Morerod a repris partiellement ses activités d’évêque depuis vendredi 20 octobre. Il était déjà à Neuchâtel deux jours plus tard pour l’installation du nouveau doyen des paroisses de la Ville.
- Vous êtes très souriant, déjà en bonne forme. Vous semblez bien vous remettre…
- Je viens de me lever après une bonne sieste. Les médecins me recommandent de rester prudent et de me reposer. Je reprends progressivement mes fonctions depuis le contrôle médical du 20 octobre. Je dois encore me ménager.
- Après votre opération du 13 septembre, comment avez-vous suivi la vie de l’Évêché ?
- Je ne me suis interrompu à 100% que 48 heures après l’opération. Et j’ai ensuite pu suivre l’essentiel de la vie du diocèse. On me consultait plusieurs fois par semaine, brièvement au début, plus longuement ensuite.
- Comment vos représentants cantonaux ont-ils été associés à vos décisions ?
- J’ai toujours pu compter sur eux dans les quatre cantons du diocèse. Ils m’ont posé des questions avec le souci de ne pas m’imposer de fatigue inutile et étaient en contact avec le quatuor assurant l’essentiel à l’Evêché.