Un mécanicien du train semi-direct lémanique raconte comment il travaille sur un parcours attractif et exigeant.
Mis en service depuis décembre 2019 entre St Maurice et Vevey, le Regio Express s’arrête chaque heure à Bex, Aigle, Villeneuve, Montreux. Un beau trait d’union entre les localités du Chablais et de la Riviera. Mécanicien expérimenté de locomotives et convois des CFF, Aurélien Mallet nous a fait découvrir la conduite de ce nouveau train Regio Express. La tâche est exigeante jusqu’à Vevey, avec quatre rapides arrêts en moins d’une demi-heure.
Le train arrivé il y a quelques minutes à St Maurice va repartir en sens inverse. Aurélien Mallet en sort avec un jeune homme. « Il passe la journée avec moi dans le cadre de sa formation », m’explique-t-il tout en se préparant au départ dans quelques minutes, Aurélien Mallet nous raconte sa passion de piloter des trains à travers toute la Suisse. « Les CFF m’ont offert la chance d’une formation complète à la fin de mes études gymnasiales il y a une dizaine d’années. » Et aujourd’hui, il est intarissable quand il parle de son métier. « J’aime changer de types de convoi et mener aussi bien un Intercity entre Genève et St Gall qu’un convoi RER dans les agglomérations de Genève et Lausanne. Et les horaires irréguliers me conviennent bien. Alors mener le Regio Express très tôt le matin ou tard dans la soirée entre Genève et St Maurice, c’est toujours un plaisir intense. »
En mode PARC
Arrivé à Saint Maurice, le mécanicien de locomotive, qui est aussi chef de train sur les Regio Express, ouvre les portes des wagons. « Je mets le convoi en mode PARC. Cela maintient le chauffage, les lumières, le fonctionnement des WC, comme si le train était en circulation. » Les pantographes restent donc levés, en contact avec la ligne.
Installé dans la cabine, Aurélien Mallet prépare les dispositifs pour repartir en direction de Genève-Annemasse. « Je connecte d’abord ma tablette au tableau de bord et j’ouvre l’application LEA (LocPersonal Electronic Assistant) des CFF. L’appli me permet de visualiser le parcours à accomplir jusqu’à Genève-Cornavin, avec toutes les gares où je vais m’arrêter, les heures de passage et les vitesses à respecter. »
Le mécanicien de locomotive commence les procédures pour faire partir le convoi. « J’introduis dans l’ordinateur de bord les données du train – si c’est un convoi de voyageurs ou de marchandises – sa longueur – ça peut varier de 100 mètres, avec quatre voitures, à 300 mètres, selon la fréquentation. Et je teste les dispositifs de freinage exprimés en pourcentage d’efficacité. Je vérifie que le contrôle de vitesse est bien initialisé. »
Premier arrêt après 4 minutes de trajet
L’heure de départ est arrivée. « Le signal est ouvert pour partir de la voie 3. Je vérifie que les portes des wagons bien closes. » Et nous voilà partis. « Je suis concentré sur le prochain arrêt à Bex, dans moins de quatre minutes. Je veille à respecter la vitesse donnée par les signaux et par l’appli LEA de ma tablette. » Concentré, le convoi freine doucement. « Je dois m’arrêter à un point d’arrêt déterminé. Je donne donc de la force au freinage en fonction de la longueur du convoi et de l’éventuelle humidité des rails, glissants s’il pleut ou neige. »
Les arrêts se succèdent ensuite très vite. Sur la voie, il peut y avoir des ouvriers de maintenance. « Je les salue en passant à 90 – 100 km/h, à quelques centimètres d’eux. Je suis passé tout à l’heure à St Triphon à 140 km/h, vitesse maximale entre St-Maurice et Genève. Voilà Aigle. Je m’arrête quelques mètres plus loin que d’habitude. Il vient de pleuvoir et la voie était plus glissante que je ne pensais. »
Arrive Villeneuve. Depuis le bout du lac, il n’y a désormais plus de signaux jusqu’à Lausanne grâce au nouveau système d’affichage ETCS (European Train Control System) sur un écran en cabine. « Je suis ainsi informé en direct si je peux rouler, à quelle vitesse, s’il y a des ralentissements pour des travaux. Pas possible de laisser mon esprit s’évader une seconde entre deux gares. »
A chaque départ, avant de bloquer les portes, Aurélien Mallet veille qu’il n’y ait plus de passagers sur le quai. « Si l’horaire le permet, je patiente quelques secondes en voyant un passager courir pour entrer dans le premier wagon encore ouvert. »
« Chillon immortel et changeant »
A peine repartis, Léman vient vers nous. Nous apercevons le château de Chillon. « J’aime retrouver ce monument, son image à la fois immortelle et tellement changeante selon le jour et l’heure de mon passage. » Nous voilà déjà à Montreux.
« Dans mon rétroviseur, je vois les passagers monter calmement dans le train. Parfois, en soirée les fins de semaine, je vois des jeunes fortement alcoolisés qui entrent difficilement dans les wagons, qui plaisantent entre eux. Ils sont étonnants et parfois très drôles. Ca n’a rien à voir avec ce que me racontent des confrères parisiens sur le RER en banlieue. »
Le Regio Express est arrivé à Vevey. « Je vais pouvoir souffler une douzaine de minutes jusqu’à Lausanne. A St-Saphorin, le nouveau pont au-dessus de la voie donne une nouvelle vision de paysage. » Le train longe le rivage du Léman à 100 km/h jusqu’à Cully. « Je jette un coup d’œil à gauche sur le lac, à droite sur les vignes de Lavaux. Et tout à l’heure en sens inverse, j’ai admiré le soleil qui se levait à l’horizon. »
Le danger au pied de Lavaux
Mais prudence, raconte Aurélien Mallet. Sur ce tronçon si proche du rivage, il observe très attentivement la ligne devant lui. « Des imprudents longent parfois la voie très près des rails pour rejoindre le bord du lac. Je siffle (ndlr : klaxonne) et signale l’incident au chef Circulation à Lausanne. »
Nous sommes arrivés en gare de Lausanne à 50 km/h. Aurélien Mallet cède sa place à un collègue. Et avant de sortir, il nettoie soigneusement le poste de pilotage. Ils se saluent rapidement. « Je vais faire une pause à la cafétéria des CFF avant de reprendre un autre convoi. »