Pascal Bovet, médecin au CHUV, est au chevet de la santé seychelloise depuis trente ans. Portrait à l’heure où une nouvelle liaison relie l’archipel à la Suisse.
Ils sont nombreux, les jeunes couples suisses à rêver de voyage de noces dans l’archipel de l’océan Indien. C’est devenu plus facile depuis le 23 septembre dernier : Edelweiss air a ouvert une liaison directe entre Kloten et Victoria, capitale de ce chapelet de 115 îles paradisiaques quasi désertes. On peut aussi parler de lune de miel qui se prolonge depuis une trentaine d’années entre les Seychelles et la Suisse, depuis que Pascal Bovet y conseille le Ministère seychellois de la santé.
L’histoire d’amour entre les deux pays a débuté dans les années 1980, quand le canton du Jura, fraîchement indépendant, a offert des services de coopération technique à l’Etat des Seychelles, lâché par la couronne anglaise en 1976. Parmi les jeunes enseignants et médecins jurassiens offrant un appui technique pour quelques mois ou plusieurs années sur l’île, le docteur Pascal Bovet, aujourd’hui professeur associé à l’Université de Lausanne. Spécialiste de l’épidémiologie des maladies non transmissibles, il partage son temps entre l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive du CHUV et une mission de médecin-conseil du Ministère de la santé aux Seychelles.
Un observatoire idéal
« Je suis arrivé à Victoria, la capitale, en novembre 1988. J’avais auparavant mené des recherches en médecine préventive au CHUV, se souvient Pascal Bovet. A cette époque, les maladies cardiovasculaires avaient atteint une dimension épidémique dans les pays industrialisés. Cependant, si on connaissait bien sûr l’énorme fardeau de maladies infectieuses qui touchaient les pays en développement, il existait très peu de données sur les maladies non transmissibles dans ces pays. On pensait que les maladies cardiaques y étaient rares et ne constituaient pas une priorité. »
Pour mesurer scientifiquement si les pays en voie de développement étaient pareillement touchés que chez nous, les habitants du petit archipel de l’océan Indien, en majorité d’origine africaine, constituaient un observatoire idéal : un pays en développement rapide, un bon système de santé et des statistiques sur ses 90 000 habitants recensant les causes de tous les décès. Avec le soutien du Ministère de la santé des Seychelles, le médecin du CHUV a mené une première enquête auprès de la population seychelloise en 1989 pour connaître la situation.
Il s’est avéré que les taux d’hypertension, tabagisme, diabète et surpoids y étaient élevés et les maladies cérébro-vasculaires particulièrement fréquentes. Ces constats ont été largement publiés dans les journaux de médecine et ont alerté les pays en développement. Le médecin lausannois a conduit plus tard d’autres enquêtes de population pour guider des interventions de prévention.
Haro sur le sucre
« Nos efforts ont, dès lors, visé à faire évoluer les comportements, nous avons notamment organisé des programmes de sensibilisation sur ces maladies. Des émissions régulières à la radio et à la télévision, des programmes de dépistage et des recommandations pour le traitement de l’hypertension ont donné des résultats remarquables. Le tabagisme, en particulier, a fortement diminué avec les mesures législatives, fiscales et sanitaires prises par le gouvernement seychellois », se réjouit Pascal Bovet. Maître d’œuvre de l’important dispositif législatif mis en place, le spécialiste du CHUV se félicite de voir un pays africain à la pointe de la lutte contre la fumée du tabac. « En vingt-cinq ans, la diminution du tabagisme a contribué fortement à diviser par deux les taux de décès cardiaques. »
Le médecin lausannois est fier d’avoir été le porte-parole officiel des Seychelles durant les négociations intergouvernementales qui ont établi entre 1998 et 2003 la convention-cadre pour la lutte antitabac. Il était encore l’un des représentants des Seychelles au début du mois d’octobre 2018 à Genève pour la 8e conférence des 181 Etats ayant ratifié ce traité. Mais sans la Suisse ! Car notre pays n’a pas encore ratifié cette convention-cadre, le parlement fédéral freinant une loi d’application efficace.
« La lutte contre les maladies non transmissibles doit désormais mettre davantage l’accent sur le front de l’alimentation », relève-t-il encore. Comme dans la plupart des pays du monde, l’obésité et le diabète y progressent. Près de deux adultes sur trois sont en surpoids aux Seychelles et 11% sont diabétiques – le double de la Suisse. « Le problème est complexe, notamment en raison d’une consommation excessive d’aliments transformés et riches en énergie, sel, graisses et sucre. Pour beaucoup, c’est moins cher, et plus séduisant, que des produits frais », observe-t-il.
Sous son impulsion, les Seychelles ont introduit des fontaines d’eau dans les écoles. Et pour faire encore baisser la consommation de boissons sucrées, une taxe est entrée en vigueur aux Seychelles depuis le 1er janvier, une mesure phare préconisée par l’OMS.
Dans le prolongement de cet engagement intensif de trente ans de Pascal Bovet dans l’archipel des Seychelles, il y a eu échange d’étudiants et de spécialistes entre les deux pays. De futurs médecins de l’Université de Lausanne y sont allés en stage, du personnel infirmier local est venu se former chez nous en cardiologie et en diabétologie. Et des professeurs en médecine du CHUV se sont déplacés là-bas pour organiser notamment des ateliers sur la prévention, le traitement de l’hypertension et l’aide à l’arrêt du tabagisme.
Projet de gestion des déchets avec l’EPFZ
A noter que l’Ecole polytechnique de Zurich (EPFZ) s’investit aussi, depuis deux ans, sur l’archipel avec un projet de gestion des déchets sur Mahé, l’île principale – à peine 150 km², la moitié du canton de Genève. Un groupe d’étudiants du troisième cycle de l’EPFZ y a entamé des recherches en février dernier. Ils se sont appuyés sur un travail accompli deux ans auparavant par d’autres étudiants déjà dirigés par le professeur Pius Krütli.
En juin dernier, ils ont rejoint sur place des étudiants seychellois, avec qui ils se sont réparti plusieurs domaines de réflexion : la collecte et le tri des déchets, les ordures à recycler, la construction d’une usine d’incinération pour réduire les décharges, le traitement des déchets organiques, l’élimination des matières dangereuses sur l’île ou le financement d’une récolte optimale des immondices. Le coût d’investissement a été estimé par les étudiants à 40 – 50 millions de francs.
Vol direct avec Edelweiss
L’archipel seychellois séduit de plus en plus les Suisses et l’ouverture le 26 septembre dernier d’une ligne aérienne hebdomadaire entre Kloten et Mahé* va doper cet attrait pour des îles paradisiaques.
Ce petit pays de l’océan indien à 1700 kilomètres au large du Kenya a accueilli 350’000 touristes en 2017, dont 12’000 Suisses. Ils n’hésitent pas à faire escale dans une capitale européenne ou aux Emirats pour arriver sur place. Ils côtoient en majorité des Européens – Français, Allemands, Italiens, Russes et Anglais.
Cette destination offre une propreté aux standards « helvétiques », des plages soignées, une faune et une flore préservée, des possibilités de randonnée à pied, de pêche, de croisières inter-îles et d’exploration de fonds sous-marins. Ces atouts séduisent un public diversifié, en majorité des retraités, des familles, des jeunes couples et des congrès. Une diversité possible avec une gamme d’hébergements allant de la pension de famille à l’hôtel 5 étoiles sur une île déserte.
Parmi les grandes agences de voyage qui vendent la destination, La Clé des îles, grossiste romand basée à Villeneuve (VD), qui est spécialisé des voyages dans les Caraïbes, l’océan indien et la Polynésie. Ce voyagiste vend ses voyages par le traditionnel catalogue en couleurs et s’étonne que ses clients, des agences, y soient pareillement attachés. « C’est un peu old schoolalors que notre site ouvert il y a une année permet de trouver une offre précise de prestations et de confort », confie le directeur Laurent Gillard.
* Un Airbus A340 d’Edelweiss Air de plus de 300 places décolle chaque samedi soir et atterrit le dimanche matin après une dizaine d’heures de vol. Le retour a lieu dans la nuit de dimanche à lundi. Le prix d’un aller-retour s’établit à 850 – 900 francs. ↑