Ce qui attire jeunes et anciens, femmes et fringants skieurs hors des pistes ? Tout simplement le plaisir de grimper ensemble en peau de phoque et de glisser dans la poudre, nous ont confié un animateur chevronné et une cheffe de course sexagénaire du Club alpin suisse.
A la fin du mois d’octobre, Francis Grandjean frétillait en voyant le Moléson se parer d’un manteau neigeux. « J’attendais cela depuis la fin d’août. J’ai déjà l’esprit dans la montagne hivernale. Cela fait des semaines que je prépare les sorties en peau de phoque de notre section du Club alpin suisse (CAS). J’adore aussi bien la montée que la descente. » A 55 ans, ce pilier de la section Gruyère affûte ainsi sa forme physique dès la fin de l’été. Et il conduira encore des groupes de randonneurs cet hiver – des skieurs de tous âges, sportifs, moyennement entraînés ou débutants.
« J’ai découvert la peau de phoque avec des amis de mon village en skiant sur les alpages », confie Francis Grandjean. Aujourd’hui, il apprécie partir vers 8 heures le matin quand le soleil se lève. « J’aime faire la trace dans une neige immaculée, méditer, contempler la montagne enneigée en compagnie de ma femme et d’un fidèle copain. »
Peu nombreux, il y a trente ans
Le Gruérien donne envie de glisser dans la nature avec lui. « Venez au CAS. J’ai beaucoup appris avec des copains et des guides de montagne qui nous forment, nous, les chefs de course. Alors, aujourd’hui, quand je mène un groupe, je donne volontiers des trucs techniques dans une pente un peu raide », confie Francis, comme il se fait appeler en course. « Je redonne ce que j’ai appris d’un oncle ; il m’a initié à glisser dans la poudreuse, peu courant à l’époque. Nous aimions skier en dehors des pistes des stations. On attendait alors le mois de mars pour mettre les peaux et monter dans des pentes vierges de toute trace. »
Le Gruérien a vu le ski de randonnée devenir populaire, ces dernières années. « Il n’y a pas d’âge limite pour monter dans la haute neige et poser ses marques à la descente. Il suffit d’une bonne condition physique, de maîtriser le virage parallèle et de faire ses propres expériences. Sans oublier de veiller aux dangers de la montagne enneigée et de suivre les formations enseignées par des guides. »
« Les novices sont un peu intimidés à côtoyer des clubistes (du CAS, NDLR) chevronnés, des chefs de course septuagénaires qui les encouragent volontiers, en authentiques ambassadeurs de la modestie. » Les années qui passent ne semblent étonnamment pas les marquer. La peau de phoque, ça conserve ? « Mais bien sûr. La condition physique, ça s’entretient. Et, si on sait un peu skier en dehors des sentiers battus, l’âge ne compte pas. »
« Ils sont extraordinaires »
Il n’y a pas non plus de sexisme dans ce milieu proche de la nature, comme nous le raconte Colette Dupasquier, sexagénaire passionnée de peau de phoque depuis une quarantaine d’années. « Comme cheffe de course, j’emmène des groupes homogènes, composés de skieurs à la forme physique équivalente. Parmi les « jeudistes », je vois une majorité de skieurs retraités, dont des septuagénaires. Je les trouve courageux, souvent moins craintifs que des débutants plus jeunes. Ils sont volontaires, détachés quant au qu’en dira-t-on, enthousiastes, patients pour donner un coup de main. Même à plus de 80 ans, ils sont extraordinaires. Ils nous apprennent à ne pas trop s’écouter, même par mauvais temps. Il le faut, car la peau de phoque, c’est un sport exigeant. »
Certes, il faudra toujours du souffle et des jambes pour grimper, mais, pour descendre, c’est aujourd’hui plus confortable de jouer les as sur de la poudreuse. Les skis sont plus faciles à manier depuis la révolution « carving » et on risque moins l’accident. Même des ados de 14 à 15 ans se passionnent pour ce sport de montagne. « Ils se mettent volontiers dans notre foulée et je les entends dire que c’est fun », explique Francis Grandjean.
Le jeu de la convivialité
Les jeunes générations ont dès lors adopté souvent l’état d’esprit convivial et d’entraide des gens de la montagne, constatent les deux responsables clubistes. Leurs collègues se donnent sans compter pour maintenir cette ambiance familiale. « Dans une course un peu difficile, il y a parfois des heurts avec de purs sportifs et une frange minoritaire de skieurs moins concernés par nos traditions, mais chacun trouve, finalement, sa place », remarque Francis Grandjean. « Quand j’arrive au but avec un groupe et que je vois certains sortir leurs portables au lieu de poser leur sac pour boire, manger et se reposer, je souris. » Philosophe, il se dit que l’essentiel, c’est de voir tout le groupe être arrivé en haut.
Matériel : Privilégier la montée ou la descente ?
Pour pratiquer le ski de randonnée, il faut prévoir de s’équiper de skis-fixations et de chaussures spécifiques pour à la fois monter et descendre dans la neige. Un débutant aura intérêt à louer cet équipement pour vérifier qu’il aime cette manière de skier. Cela lui permet aussi d’acheter du matériel privilégiant une montée avec un minimum de poids aux pieds ou des skis plutôt longs et larges, plus lourds, pour descendre plus aisément.
Le skieur de randonnée veillera à avoir des bâtons avec des rondelles larges pour ne pas les enfoncer dans la neige profonde, des pantalons et des vestes imperméables, légers et chauds, un T‑shirt et une paire de gants de rechange, un équipement pour le danger d’avalanche – détecteur de victimes d’avalanche (DVA), pelle et sonde – et des victuailles ainsi qu’un thermos.
Le chef de course, ou un accompagnant, aura encore dans son sac du matériel technique pour de petites réparations, une trousse de secours, une couverture de survie et une radio pour alerter la Rega, au cas où il n’y aurait pas de réseaux de téléphone.
Se former au CAS
Un néophyte sans relations dans le milieu du ski de randonnée trouvera un soutien technique dans une section locale du Club alpin suisse (CAS) de sa région.
Les moniteurs bénévoles offrent une formation théorique de base de quelques heures. Elle permet d’assimiler la pose et l’enlèvement des peaux de phoque, le réglage des chaussures, l’utilisation des cales de montée pour soulager les jambes, le remplissage d’un sac et la manipulation du matériel d’avalanche.
Une formation pratique dans la neige est l’occasion d’apprendre d’abord à faire glisser ses skis à la montée, plutôt que de les soulever à chaque pas. Monter dans une pente raide rend nécessaire de savoir aussi changer de direction en effectuant une « conversion » des deux skis. Avec toujours, en tête, la priorité donnée à la sécurité de tous.