L’invité – Jean-Brice Willemin, porte-parole de l’Église catholique dans le canton de Vaud.
« Ce journaliste se dit catholique, mais ses articles ne le sont vraiment pas. » « Je ne supporte pas ce jeune prêtre qui condamne tout suicide assisté. » Deux manières de refuser le débat, que j’entends parfois dans le milieu des catholiques se disant pratiquants. Qu’elles viennent de milieux identitaires ou contestataires, ces sentences définitives sont bien éloignées de la bienveillance de Jésus.
La colère des fidèles ou des intermittents des liturgies catholiques envers des points de vue différents des leurs est troublante pour un observateur athée. Pourquoi est-ce donc semble-t-il si difficile pour des catholiques de débattre, d’échanger des opinions contradictoires ? Comme l’explique le sociologue du catholicisme Yann Raison du Cleuziou, les responsables ecclésiaux ont peur de la confrontation des idées. Quand une disputatio, un débat, s’esquisse dans une communauté de croyants baptisés, ils invoquent très vite un principe d’unité et marginalisent les contestataires.
Dieu n’est-il pas aussi présent dans des controverses argumentées d’interlocuteurs s’estimant mutuellement ?
Et pourtant le concile Vatican II dans les années 1960 a tenté de redonner du sens à l’échange de points de vue opposés au sein de l’Église. Depuis, elle est qualifiée de synodale, car elle accorde à tout catholique, uni à la communauté des croyants, une capacité de connaître la vérité de la foi. Dieu n’est-il pas aussi présent dans des controverses argumentées d’interlocuteurs s’estimant mutuellement ?
Faute de savoir comment discuter, sans se disputer, bon nombre de catholiques fuient la confrontation, renoncent à se remettre en cause. Boudeurs et aigris, ils restent cloisonnés dans des cercles étroits de fidèles partageant leur opinion. Des rancœurs s’expriment, macèrent contre l’autorité, le curé, l’évêque ou même le pape. Jean Paul II avant sa mort était ainsi appelé « Jean Paulski » par des catholiques progressistes, alors qu’aujourd’hui des traditionalistes se disent que le pape François trahit la vraie doctrine.
Rappelons que, depuis deux mille ans, l’Église s’est construite à travers des affrontements, et en premier lieu entre Pierre et Paul. Ils avaient raison tous les deux, l’un avec l’autre, donnant à l’Église une ouverture universelle.
Il faut encore créer une authentique culture du débat dans nos communautés catholiques ; avec des prises de position cohérentes. Comment un catholique pourrait par exemple s’affirmer par principe contre l’avortement, convaincu de défendre un être sans défense, tout en étant contre l’accueil de migrants démunis ? C’est en contradiction avec le message de vie de l’Église.
Et puis asséner des opinions si carrées, si tranchées, n’est pas très catholique. Modérer son point de vue, l’affiner en réfléchissant avec quelqu’un qui ne le partage pas, c’est aussi se donner les moyens de bien dialoguer avec un autre chrétien ou un athée. Et les catholiques disposeront ainsi de meilleures chances de se faire entendre, et respecter, d’un monde sans repères religieux.