L’invité – Jean-Brice Willemin attire notre attention sur un questionnaire adressé aux jeunes croyants et non croyants.
Lors de la première déclaration du pape le soir de son élection, le 13 mars 2013 devant la foule, François s’est dit un peu rusé quand les circonstances le demanderaient. La ruse, c’est bien une méthode de gouverner qu’il semble utiliser à la perfection quand les circonstances l’exigent. La préparation du Synode des évêques d’octobre 2018 à propos des jeunes révèle une belle maîtrise des cercles de pouvoir du Vatican.
En juin dernier, des responsables de la jeunesse catholique osaient dire – mezza voce – que le questionnaire sondage adressé aux jeunes du monde entier, croyants et incroyants, était « à côté de la plaque » : des dizaines de questions fermées sur l’image d’eux-mêmes, sur la société et ses institutions, leur conception du travail, leur rapport à la foi et l’Eglise. Mais rien – nada aurait dit le pape – sur leur vie affective et sexuelle.
Un bug ? Une volonté de fonctionnaires de la Curie de contrecarrer la volonté de François d’associer les jeunes à un débat conçu traditionnellement entre évêques et le pape ? Avant même qu’arrivent des réponses au sondage, le pape a pris les choses en main. 21 jeunes du monde entier ont débarqué à Rome en septembre dernier. Ils ont critiqué le questionnaire, contredit des experts, formuler des propositions. « Le pape nous a demandé de mettre le bazar, c’est ce que nous faisons », a confié un jeune Brésilien.
Heureusement, car le verdict de la consultation est mauvais. Un bide, a‑t-on appris il y a quelques jours : 65 000 réponses ; et seuls 3000 jeunes veulent garder le contact avec les auteurs du questionnaire.
Le pape François l’aurait-il pressenti ? Lorsqu’il a lancé en début d’année l’idée de ce Synode des évêques, qu’ils soient croyants ou athées, ses attentes étaient claires : « L’Eglise désire se mettre à l’écoute de votre voix, de votre foi, voire de vos doutes et de vos critiques ». Car François va vers les jeunes au-delà des JMJ, ces Journées mondiales de la jeunesse lancées par Jean-Paul II et qui rassemblent en majorité des jeunes ; des jeunes proches de l’Eglise.
Mieux qu’à Cracovie en 2016 ou à Rio en 2013, le pape cherche un vrai dialogue. Et il s’est organisé pour que l’Eglise écoute tous les jeunes, tous, chrétiens ou non, croyants et incroyants. Le secrétaire général du futur Synode, le cardinal Lorenzo Baldissseri, a été très clair à ce sujet. Il a parlé d’une méthode, celle de l’écoute réciproque, sans laquelle il n’y a pas de chemin synodal.
Pour arriver au but, François a rusé avec la nomenklatura du Vatican. D’entrée de jeu, il l’a laissée fixer les règles et s’enferrer dans une pseudo-consultation. Et il a repris les cartes en main avec sa maestria de grand communicateur. Il a déclassé les apparatchiks pour mieux apparaître dans la lumière auprès des jeunes. Ces derniers auront-ils cette fois envie de répondre en masse ? On le saura d’ici le printemps 2018.